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Grandeur ou déca-danse de l’art ? Une journée à Sète…

Grandeur ou déca-danse de l’art ? Une journée à Sète…


Montpelliéraine de naissance puis de ré-adoption, j’ai profité de la douceur de ce samedi 5 janvier pour visiter Sète. Après un passage – obligé pour revisiter mes classiques – au fabuleux Espace Georges Brassens, mon coeur m’a portée vers la Chapelle du Quartier-haut, rue Borne. En effet, s’y tenait à 17h la performance des élèves de l’artiste espagnole Maite Soler (danseuse, chorégraphe, mais aussi dessinatrice, photographe…et ceinture noire de kung-fu coréen!).

Si je tiens tant à revenir sur cette journée culturelle, c’est que j’entends de plus en plus autour de moi les réactions trouble-fête d’esprits réactionnaires, par rapport à ce qu’ils nomment l « art comptant pour rien ». Si l’art de Brassens est « plus facile » à apprécier, les talents d’une artiste confirmée (et diplômée de l’Ecole des Beaux-Arts de Versailles, excusez du peu) telle que la rayonnante Maite Soler peuvent paraître au premier abord difficiles à pénétrer.

Une chapelle dont l’intérieur est tapissé des pages d’un livre ouvert narrant par dessins le drame de l’ « holocauste » de 71 platanes sains sur la place Aristide Briand en 2017, avec en son fond la rétroprojection d’ombres d’arbres bien vivants eux, et en son centre une motte de terre d’un mètre de diamètre environ… Ca, c’est pour l’installation. Quant à la performance, nous avons assisté (et avons également été invités à participer) à un ballet contemporain d’individus se mouvant sur fond d’une musique étrange, semblable aux mugissements calmes d’un alien, et s’accélérant en incorporant des riffs de guitare qui semblaient toujours sortis de l’au-delà… Alors que les danseurs accéléraient également le mouvement en se mêlant les uns aux autres comme pour s’agresser, ce que j’ai personnellement interprété comme la surpopulation et l’érosion de la planète menant à des conflits inévitables, à la fois entre l’homme et l’homme mais aussi entre l’homme et la nature, mouvement final poussé à son paroxysme avec la danse effrénée d’un homme et d’une femme sur la scène, tels les Adam et Eve d’un big crunch humain se terminant sur une note positive : la lente révolution des danseurs autour de la motte de terre, tendant leurs bras comme vers le tronc d’un nouvel arbre, un peu en mode 2001 : l’odyssée de l’espace, ou de l’espèce. Bref.

Que l’on découvre l’art contemporain au hasard des rencontres et de la vie ou que l’on s’y soit intéressé(e) depuis plusieurs années comme dans mon cas, il est affligeant de constater que certains le dénigrent dans son ensemble, comme si seul l’art sans équivoque (et encore!) d’un Brassens avait droit de cité au panthéon des « vrais » artistes. Le débat est, encore en 2019, ouvert. Mais peut-être l’art contemporain dérange-t-il car il invite tout un chacun, artistes (diplômés des Beaux-Arts ou pas…) comme public, à son élaboration… Et dans un pays plus élitiste que jamais, cela fait tâche…

Barbara Juvé ( journaliste )

Photo. Eva Colpacci